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Turquie : quels scénarios pour une sortie de crise ?

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sortie de criseDécidément le premier ministre turc aime bien les accueils aéroportuaires ! Le 9 juin, deux jours après le bain de foule qui l’attendait au retour d’une tournée dans les pays du Maghreb, à l’aéroport d’Istanbul (cf. notre édition du 8 juin 2013), Recep Tayyip Erdoğan a de nouveau été accueilli par ses partisans, à l’aéroport Esenboğa d’Ankara. L’événement était sensé marquer son retour dans la capitale, après un crochet par Adana et Mersin, pour des meetings. Erdoğan se devait de ne pas décevoir ses troupes et sans surprise il s’est donc montré très offensif en appelant celles-ci à donner une «leçon par les urnes» aux contestataires de Gezi Parkı, lors des prochaines élections locales qui doivent se tenir dans 7 mois. Expliquant que la patience du gouvernement avait ses limites, il s’en est pris de nouveau aux manifestants en les traitant de «vandales», et même implicitement de factieux, lorsqu’il a annoncé qu’aujourd’hui, on était ni en 1960, ni en 1980, ni en 1997 et que son gouvernement ne tolèrerait pas un nouveau coup d’Etat. Faisant allusion aux récents mouvements des marchés, il a mis en garde les lobbies économiques qui seraient tentés de profiter de la situation. Le discours s’est achevé par une description apocalyptique des profanations dont aurait été l’objet la mosquée de Dolmabahçe à proximité de Taksim, des manifestants y entrant avec leurs chaussures, bouteilles de bière à la main et s’en prenant aux femmes voilées imprudemment attardés dans les parages. En bref, le leader de l’AKP s’emploierait à mobiliser la Turquie musulmane profonde contre une jeunesse dévergondée, qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Cette adresse aéroportuaire s’est poursuivie par une série d’autres harangues dans différents points de la capitale où le premier ministre était attendu par un public conquis.

Absent la semaine dernière du fait du non report d’une visite dans les pays du Maghreb (cf. notre édition du 8 juin 2013), Recep Tayyip Erdoğan, qui a donné un temps l’impression de laisser le président Abdullah Gül et le vice-premier ministre Bülent Arinç gérer la situation, serait-il en train de reprendre la main ? Depuis le début de la crise, il a soufflé le chaud et le froid, acceptant, le 1er juin, de retirer les forces de police de Taksim (cf. notre édition du 1er juin 2013), mais ne cédant jamais sur le fond et refusant de modifier son projet d’aménagement urbain, voire de surseoir à la coupe des arbres de Gezi Parkı. Alors qu’il s’est extrait quelques jours des événements en cours en partant en Afrique du nord, son retour le replace au cœur de la scène politique turque et amène à s’interroger sur sa réaction des prochains jours.

Deux options principales s’offrent au chef du gouvernement turc. Il peut tout d’abord choisir la fermeté en utilisant la force et en tablant sur le soutien de la Turquie profonde. Cette option pose plusieurs problèmes redoutables. Taksim est devenu un lieu de mobilisation et une vitrine du mouvement en  cours mondialement connu et observé. La reprise d’une répression brutale aurait des conséquences néfastes, avec de possibles implications économiques et financières pour la Turquie, dont l’image a été atteinte, comme l’a bien montré l’accueil froid réservé à Erdoğan, la semaine passée, dans les pays du Maghreb (cf. notre édition du 8 juin 2013). Ce choix de fermeté pourrait en outre conduire à des affrontements au sein de la société turque s’il se doublait d’un appel du premier ministre à ses partisans à contre-manifester.

À l’inverse, le leader du l’AKP, peut essayer de parier sur le pourrissement du mouvement, comme il l’avait fait lors de la grande grève de TEKEL, à Ankara, en 2009-2010, qui avait duré plus de 2 mois. Or, le mouvement actuel paraît plus durable et il bénéficie d’un soutien infiniment plus large… Est-on parti pour plusieurs mois d’effervescence dont Taksim, devenu une sorte de commune auto-gérée de la contestation, deviendra le symbole (cf. nos éditions du 7 juin 2013 et du 8 juin 2013) Eu égard, à l’agenda politique chargé qui est le sien, le gouvernement pourra difficilement se permettre d’attendre trop longtemps. Outre l’élaboration d’une nouvelle constitution et la tenue de plusieurs élections l’an prochain, il ne faut pas oublier que le règlement de la question kurde est toujours en instance et pourrait pâtir d’une situation politique incertaine. Comment se positionneront d’ailleurs les Kurdes si ce mouvement vient à durer… Après une semaine d’hésitation, Abdullah Öcalan a apporté son soutien à la contestation en affirmant qu’elle constituait «une rupture», mais il a paru aussi vouloir ménager le gouvernement en demandant aux manifestants de veiller à ne pas se laisser instrumentaliser par les activistes d’Ergenekon. On a observé également l’absence de Sırrı Süreyya Önder (qui a participé aux manifestations de Taksim et y a même été blessé le premier jour) au sein la délégation parlementaire qui a rendu visite au leader du PKK, le 7 juin dernier, et qui n’était composée que de Pervin Buldan et de Selahattin Demirtaş.

Seule solution pour éviter que le happening de Taksim ne se poursuivre au nez et à barbe du parti au pouvoir : la négociation. Elle supposera toutefois le retrait du projet ou tout au moins son amendement significatif. Dans la mesure où Recep Tayyip Erdoğan n’a cessé d’annoncer son intention de ne pas reculer alors que d’autres au sein même de son parti se sont montrés plus conciliants, une telle négociation risque d’apparaître avant tout comme l’échec du premier ministre, et de porter atteinte à son autorité, voire de gêner ou de remettre en cause ses projets présidentiels…

JM


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